Logistique, Nouvelle économie, Transport

Les leviers de l'omnicanalité

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L'omnicanalité, c'est quoi ? Eh bien si vous vous posez toujours la question, nous espérons pouvoir vous apporter quelques éléments de réponses dans cette note de synthèse. Il s'agit d'un développement majeur des stratégies de distribution, dont les incidences sur la logistique moderne, les flux et le développement des acteurs du transport n'est pas anodin. Par ailleurs, fortement corrélée aux opérations de eCommerce toujours en croissance, il y a un autre questionnement important que cela soulève quant à l'empreinte environnementale de cette pratique. 

Alors, quel enjeu et quel impact ?

      1. Contexte

L’omnicanalité, c’est un concept qui était en plein essor avec la crise covid et son effet amplificateur de tous les services que le e-Commerce peut proposer à la nouvelle génération des consommateurs digitaux. Il s’agit de la possibilité pour un client d’accéder aux produits qu’il souhaite acquérir par de nombreux moyens et pour lesquels toute une stratégie marketing est mise en place afin de le convaincre de passer à l’action : la transaction d’achat.

Pour les professionnels de la logistique, c’est aussi une expression de leur art dans la stratégie commerciale d’une entreprise puisqu’il s’agit de maîtriser les flux physiques et d’information à tout instant dans un système complexe de distribution. Plus de points de livraison ou de stock, plus de communication entre les acteurs de la distribution et plus d’information concernant les produits pour jouer sur des actions de promotion selon le mode d’accès au produit par le client.

Avec quelques années de recul sur le développement de l’omnicanalité ; comment s’en sortent des principaux acteurs qui l’ont mis en place : est-ce toujours rentable et efficace ? Est-ce que cela change durablement les comportements de consommation et les attentes client ?

 

      2. Synthèse AFT

Mettre en place une stratégie omnicanale auprès de sa clientèle, c’est déjà développer un réseau de distribution existant. Pour la majorité des acteurs économiques, le modèle « classique » consistait à disposer d’un stock et d’un magasin, pour y accueillir les clients. Le développement du digital a permis de compléter cette mise en vente par une interface permettant à ces derniers d’avoir des informations produit et des campagnes de promotion incitatrices à se rendre en magasin.

Le développement des canaux de distribution s’est poursuivi pour un essor particulièrement important avec la période covid de 2020, puisque la livraison à domicile ou en relais-colis se sont démocratisées. Puis l’expansion des relais de mise en vente avec des stocks pouvant se situer soit dans un magasin d’enseigne, soit chez des sous-traitants, soit même en entrepôt logistique sans point de vente, notamment chez des « pure player » de la vente en ligne.

Pour atteindre leurs clients dans ces conditions, les entreprises de marque se sont focalisées sur l’expérience client, le nouvel objectif ultime pour personnaliser leurs messages et s’imiscer dans leurs préférences jusqu’à anticiper leurs futures comportements de consommation. En tenant compte de leurs achats et préférences, quel que soit le point de vente, en exploitant les recherches d’information via les supports digitaux, il devient possible d’intervenir sur le paramétrage des publicités que seul un consommateur ciblé va avoir sous les yeux sur son ordinateur ou téléphone portable.

Cela signifie que pour les services marketing d’une entreprise, le format et les supports de communication ont beaucoup évolué. Il leur faut atteindre les clients potentiels en dehors des circuits classiques de vente, tels que les réseaux sociaux, leurs usages du quotidien, les forums ou sites permettant de l’affichage publicitaire. La personnalisation de l’expérience client pour parvenir jusqu’à un produit ou une marque spécifique est d’ailleurs à double tranchant : si l’on propose à répétition un produit déjà acquis on risque le désengagement du consommateur.

Les statistiques qui remontent des experts de la vente omnicanale semblent toutes très encourageantes pour poursuivre, voire même établir l’omnicanalité au cœur de leur stratégie commerciale, malgré sa complexité. Ils enregistrent des visites répétées supplémentaires dans leurs magasins physiques, avec des dépenses globalement supérieures.

Les clients d’une stratégie omnicanale représentent un taux de rétention de 89% pour les entreprises qui la proposent.

Paradoxalement, les clients sont aussi majoritairement pour une harmonisation des prix entre l’environnement digital et physique. Car il est aussi facile de s’y perdre pour le consommateur selon qu’une opération commerciale est en place auprès d’un partenaire, voire initiée par un distributeur indépendamment de la stratégie de la marque concernée. On peut avoir aussi, pour certains produits, tels que les services de transport comme les billets de train, une fluctuation très importante des prix selon le point d’accès ou même la date d’accès au site, puisque les cookies tiennent compte des passages répétés d’un utilisateur de l’application de billetterie. Une stratégie sans trop de conséquences si la marque se trouve en quasi monopole sur son marché, mais qui pourrait vite se révéler contre-productive.

C’est dans cette transformation progressive du rapport entreprise-client que pourrait se jouer l’évolution de l’omnicanalité dans les années à venir. Car pour l’instant l’expérience client tourne principalement autour de la captation de son intérêt et la facilitation de son accès aux produits, quel que soit le mode d’achat et de récupération du produit. Or, les consommateurs ont des préférences de déplacement ou de livraison, la protection des données personnelles devient un enjeu de plus en plus fort et la transparence sur les caractéristiques produit est aussi essentielle dans les choix d’achat d’une partie de la population.

Avec les crises sanitaires ou sociales à répétition, la création de nouveaux systèmes d’évaluation des produits et la notation systématique des comportements d’achat par les clients, les marques doivent se soucier de plus en plus de leurs chaînes d’approvisionnement et de l’impact d’une crise sur leurs acheteurs. La non-transparence ou l’évitement d’une notation telle que le Nutriscore par exemple, fait baisser de près de 13% les ventes des produits concernés. Les entreprises doivent donc jouer le jeu de la transparence, tant avec leurs partenaires de distribution que leurs clients.

Cette transparence a un coût mais également un impact en matière de stratégie commerciale et de compétitivité par rapport aux autres acteurs du marché. La majorité des entreprises ne semblent pas encore prêtes à ces pratiques, surtout lorsque le modèle principal de promotion des commerciaux se justifie par des primes d’activité sur leurs transactions obtenues…

 

      3. Perspectives pour la logistique

Le déploiement d’une stratégie omnicanale nécessite des moyens importants, une coordination de tous les acteurs logistiques et commerciaux, de la formation du personnel et des outils adaptés. Les entreprises doivent jouer le jeu du partage des données en transversal, afin à la fois de se tenir informées des états de stock disponibles sur chaque point de vente ou de livraison potentiel, mais aussi de la coordination des ressources partenaires pour effectuer des transits lorsque nécessaire, de maîtriser les opérations promotionnelles, etc.

Les systèmes d’information sont de plus en plus puissants et permettent la collecte des big data via des serveurs puissants mais également des interfaces avec l’ensemble des acteurs de la supply chain, pour cumuler les données clients avec celles du réseau de distribution. Or, tous les acteurs ne sont pas dédiés à la distribution d’un seul produit ou d’une seule marque, ce qui nécessite des interfaces de programmation (API) pour être capable d’interagir avec chacun de leurs partenaires.

L’utilisation des smart objects devrait connaître un essor grandissant dans l’automatisation de la collecte des données produit, sur leur statut, leur emplacement, leur disponibilité (si un client l’a virtuellement acquis), etc. C’est donc une ère de progression du phygital, particulièrement adaptée à l’omnicanal pour s’assurer de ne pas laisser les consommateurs dans une situation de frustration quant à la disponibilité d’un produit recherché sur un point de vente.

En effet, les stocks physiques restent une contrainte de gestion incontournable, qui a un coût et dont la disponibilité peut mettre à mal une stratégie commerciale qui ne serait pas suffisamment réfléchie. Si un client ne trouve pas son produit en magasin, il se voit offert la possibilité de le commander directement depuis une borne auprès d’un autre magasin ou d’un stock à proximité, voire de se faire livrer à domicile. Cela signifie que tous les opérateurs logistiques démultiplient leurs opérations pour effectuer non plus uniquement des livraisons en magasin mais également des transferts et de la récupération produit en plus des flux qui existaient jusqu’à présent.

Ces opérations, qui restent marginales, ont cependant un coût unitaire de mise en place plus important, donc un impact sur les marges du produit et son empreinte environnementale selon les moyens de transport utilisés. Fort heureusement aussi, une stratégie omnicanale a plus de chance de satisfaire les clients en ne leur proposant que des produits susceptibles de répondre précisément à leur besoin… donc moins de retours à traiter.

Une stratégie omnicanale à suivre pendant encore quelques années donc, au vu du succès qu’elle semble rencontrer auprès des plus grandes marques.

 

Définitions

Pure player : entreprise exerçant dans un secteur d'activité unique non diversifié. En France, l'expression désigne principalement les entreprises de distribution via la vente par Internet.

Interfaces de programmation (API) : « application programming interface », c’est un ensemble normalisé qui sert de façade par laquelle un logiciel communique avec d'autres logiciels.

Phygital : utilisation par les marques d'une stratégie à la fois physique (retail) et à la fois en ligne (web/ digital). Le terme va souvent de pair avec le terme de « digitalisation des points de vente » : la fusion entre le e-Commerce et les magasins physiques.

Sources

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