Enseignement supérieur, Logistique, Transport
Le MIN de Rungis, hier, aujourd’hui et demain : réinvention d’un modèle
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Déroulé du séminaire
Les enseignants ont commencé par une approche historique proposée par Guy Chemla, Géographe de l’alimentation, spécialiste des questions d’aménagement et d’urbanisme à l’université Paris-Sorbonne. Grace à sa présentation passionnée et passionnante, ils ont pu, au-delà de l’approche historique, resituer la question de l’approvisionnement des villes dans leur contexte économique, politique et social.
Dans un second temps, les enseignants ont pu échanger avec Richard Limier, Chef de projet mobilités à l'Etablissement Public Territorial Grand Orly Seine-Bièvre et Claude Samson, Président de l’AFILOG sur les questions de gouvernance et d’intégration du MIN sur le territoire.
Enfin, la dernière journée a été consacrée à la visite du MIN et de ses pavillons. Accueillis très chaleureusement par Aminata DIOP, Directrice de la BU Logistique et Gwenaelle BRANDELET, Cheffe de Projets Développement, les enseignants ont pu rencontrer et échanger avec des commerçants, déambuler dans les allées des pavillons et bénéficier d’un exposé sur le fonctionnement de la SEMMARIS, entreprise chargée d'administrer le Marché International de Rungis.
Les Halles, le ventre de Paris
Longtemps, les halles de Paris ont été la principale source d’approvisionnement alimentaire de la ville. Dès le moyen âge, on y vendait des marchandises variées provenant des régions limitrophes, leur conférant pendant des siècles le statut de centre névralgique de la vie quotidienne et commerciale de la ville.
Elles connaîtront plusieurs transformations majeures au fil de l’histoire, souvent dans le but d’en améliorer les accès, de désengorger le quartier mais aussi d’améliorer la présentation des produits, les conditions d’hygiène ou de conservation des denrées.
Parmi les aménagements remarquables, nous retiendrons l’aménagement réalisé à partir du projet de l’architecte Victor Baltard (1805-1874) qui, à la demande de Napoléon III, propose une structure entièrement métallique déployée en de vastes parapluies, s’inspirant de l’architecture contemporaine des gares. Dix pavillons à ossature de fonte, recouverts de vitrages et réunis par des rues couvertes sont ainsi édifiés. Ils sont prévus pour s’intégrer au plan d’urbanisation élaboré par le préfet de Paris Haussmann, dans le but d’adapter la capitale aux nouvelles exigences de la civilisation industrielle.
Quelques années plus tard, l’édifice se révèle cependant encore trop petit et les alentours demeurent encombrés par le trafic toujours plus intense et l’afflux de clients.
Pour tenter d’y remédier, une dernière extension est entreprise entre 1935 et 1948. Celle-ci s’avère elle aussi très rapidement insuffisante et après moultes débats, le déménagement des halles en dehors de Paris est adopté en 1959 par décision gouvernementale.
La mobilisation d’une partie de l’opinion en faveur du maintien des pavillons Baltard ne suffira pas à empêcher le transfert des halles à Rungis et à la Villette. La place laissée par les halles, très convoitée par les urbanistes, sera occupée par un vaste centre commercial et culturel, l’actuel « Forum des halles ».
Le marché de Rungis
La création du nouveau marché classé Marché d'Intérêt National (M.I.N.), installé à Rungis, est l’occasion d’une grande modernisation tant au niveau de ses infrastructures que de son fonctionnement.
Des infrastructures fonctionnelles et modernes (vastes pavillons, gare de marchandise, liaison rail-route.) et des équipements professionnels adaptés, pavillons spécialisés (la mer, les produits carnés, les fruits et légumes, les produits laitiers, les fleurs), zones d’entrepôt, espace de murisserie, parking, quais de chargements et contrôles vétérinaires sont créés afin de garantir une activité rentable, fluide et respectant des règles d’hygiène irréprochables.
L’activité du MIN connaît parfois des périodes moins florissantes, elle sera impactée notamment par la mode de la standardisation des produits, l’arrivée des supermarchés, ou la crise de la vache folle.
Obligé sans cesse de s’adapter pour rester compétitif, le MIN qui est aujourd’hui réputé pour ses produits variés, rares et de haute qualité, s’ouvre aux tendances du marché et aux nouvelles habitudes de consommation, avec des carreaux qui sont désormais tournés vers les produits locaux, biologiques et durables.
A ce jour, le MIN est considéré comme le plus grand marché de produits frais au monde. Il attire des acheteurs et des visiteurs du monde entier et représente la vitrine de la gastronomie française, pour accompagner sa transformation son nom devient Marché International de Rungis.
Après une période d’incertitude concernant son éventuelle privatisation, l’Etat conscient de son rôle primordial dans l’économie et dans le rayonnement du pays, prolongera sa mission de service public jusque 2050, prévoyant même un passage obligé devant le parlement pour toute décision de désengagement.
Un modèle qui s’exporte
Ce modèle d’organisation est observé par les autres pays et de nombreux projets s’inspirant du modèle de Rungis émergent de par le monde (Marché de Shanghaï, Dubaï ou Russie ) en coopération avec la SEMMARIS, actuelle société gestionnaire du MIN qui a développé des équipes dédiées au développement à l’international.
MIN de Rungis et territoire
Une autre partie de cette journée d’étude a été consacrée au fonctionnement et au rôle de l'établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre (EPT)
Cette structure intercommunale, créée en 2016 dans le cadre de la mise en place de la métropole du Grand Paris, est située dans les départements du Val de Marne et de l'Essonne. Elle a pour mission d’améliorer l’intégration du site de Rungis dans le territoire et d’accompagner ses évolutions.
Les EPT exercent diverses compétences en lieu et place des communes dans les domaines de politique de la ville, construction et aménagement, assainissement, gestion des déchets, etc.
Nos intervenants ont pu expliciter le rôle essentiel joué par cette structure pour faire dialoguer et coopérer les différents acteurs du territoire dont les intérêts peuvent être contraires afin d’éviter des décisions néfastes pour les citoyens, les transports ou l’économie car mal pensées ou en dehors de toute vision globale.
Les activités liées au MIN ont un fort retentissement sur la vie de l’intercommunalité. Le MIN est une ville dans la ville (site clos avec accès par péage), il coupe la ville en 2, obligeant les habitants à contourner le site pour aller d’un point à un autre. Tout nouveau projet d'aménagement doit donc veiller à bénéficier d'une intégration optimale. Il en est de même pour la circulation des véhicules, toute augmentation du trafic ne peut s'envisager que s'il ne vient pas engorger encore davantage les infrastructures routières déjà saturées. La question de l'acceptabilité de la part des citoyens est au coeur des préoccupations des aménageurs sous peine de voir échouer la mise en oeuvre des projets.
Plusieurs projets d’aménagement dans et autour de Rungis sont à l’étude, création de sillons ferroviaires par exemple qui nécessiteront des connexions nouvelles et la création de nouvelles routes, l’EPT sera donc sollicité pour coordonner et conseiller au mieux les différents acteurs concernés par ce projet.
Visite du MIN
La seconde journée du séminaire a été consacrée à la Visite du MIN.
Dans un premier temps, les enseignants accompagnés par des représentants de la SEMMARIS ont pu bénéficier d’une visite guidée au sein des différents pavillons, échanger avec les commerçants et déguster quelques produits du terroir.
Accueillis dans « la tour », c’est depuis une salle offrant une vue panoramique sur le site qu’ils ont pu suivre la conférence organisée par la SEMMARIS, société d’économie mixte chargée depuis 1965 de la gestion du marché d'intérêt national de Rungis. Après la présentation de quelques chiffres clefs et les éclaircissements sur son rôle dans l’aménagement et l’exploitation du marché, la SEMMARIS a pu exposer aux enseignants ses axes stratégiques de développement en relation avec la RSE et faire un focus sur l’activité logistique du site.
Coté RSE, la SEMMARIS soutient des activités visant la transition vers une alimentation durable, la neutralité carbone avec une réduction des émissions de GES d’ici 2030 et le développement socio- économique du territoire.
Coté Logistique, la société se fixe comme objectif, notamment à travers ses services Aménagement et Logistique et Développement :
- Optimiser les flux de stationnement
- Adapter le marché à la transition énergétique
- Faire face à l’augmentation des livraisons
- Renforcer l’attractivité des métiers
Plusieurs projet d’évolution du site concernent directement le transport et la gestion des flux.
Une étude est en cours pour définir l’opportunité d’utilisation du transport fluvial pour l’approvisionnement du MIN de Rungis et la distribution urbaine, au vu de sa localisation, des typologies de produits et de la localisation des clients finaux.
Le Ferroviaire n’est pas en reste car il y a aussi la volonté de relance de la liaison historique Perpignan – Rungis et un projet de concession pour développer un nouveau terminal ferroviaire avec de novelles lignes.
Une autre étude porte sur l’accompagnement des opérateurs vers une évolution des flottes de véhicules bas carbones et l’implantation d’infrastructures ad hoc à implanter sur le MIN.
AGORALIM , un projet de création d’un nouveau Marché en région parisienne
Les aménagements et extensions du site de Rungis n’étant pas infinis, un projet de nouveau marché appelé Agoralim est à l’étude.
Ce marché pensé comme un projet de territoire complémentaire à Rungis, devrait s’installer sur le site prévu initialement pour le projet Europacity. Géré par la SEMMARIS, il a pour objectif de permettre de répondre aux besoins alimentaires des franciliens qui ne cessent d’augmenter. Ce pôle couvrirait des activités agricoles, de stockage, de distribution et de transformation alimentaire, et constituerait un bassin d’emploi attractif avec la création de nombreux emplois.
Il devrait intégrer les nouvelles normes environnementales et être à la pointe des dernières avancées technologiques (construction des bâtiments, utilisation du multimodal) . Pensé comme un véritable eco-système, on devrait aussi y trouver des centres de formation et d’éducation au "bien manger", ainsi que des activités de recherche.