Environnement et Développement Durable, Innovation, Logistique

La transition bas-carbone de la logistique

Publié le

La transition écologique du secteur logistique : est-ce possible et à quel coût ? Car les professionnels de cette activité représentent les rouages de toutes nos chaînes d'approvisionnement, soit 10% du PIB français et près d'un million de collaborateurs. Il existe de nombreuses solutions, mais entre la technologie, la réorganisation des flux ou la sobriété : quel est le juste équilibre et qui en prend la responsabilité dans la chaîne d'approvisionnement ?

      1. Contexte

Le dérèglement climatique est visible de façon presque quotidienne désormais, sur toutes les parties du monde. Pour autant, il affecte les régions de façon très déséquilibrée et il est difficile pour tout un chacun de se représenter son impact global, ou le projeter dans le temps sur l’économie française et mondiale.

Pour autant, tous les acteurs économiques et en particulier ceux du transport et de la logistique se sont déjà mis en ordre de bataille pour réduire leur empreinte environnementale, optimisant toujours davantage leurs opérations et recherchant dans les nouvelles technologies des solutions pour une mise à l’échelle industrielle.

Cela reste des investissements importants, des prises de risque selon la maturité de l’énergie ou de la technologie qui est identifiée. Alors où en sont globalement les opérateurs logistiques et que signifie la transition « bas carbone » dans ces conditions ?

 

      2. Synthèse AFT

Les appels à projets, les opportunités de financement de l’innovation et la technologie s’accumulent sur les portails du gouvernement et en particulier de la transition écologique et énergétique. De manière générale, il y en a pour tous les profils et appétences professionnelles, selon que les soumissionnaires de projets sont plus sensibles aux énergies, aux modèles organisationnels ou aux technologies.

Car chacun de ces aspects aura bien des aspects vertueux pour poursuivre la réduction des émissions carbone des opérations logistiques. Il peut s’agir bien sûr des transports, avec le remplacement des énergies fossiles par des énergies et motorisations décarbonées. Mais ce sera tout autant le cas par l’utilisation accélérée des nouvelles technologies qui améliorent significativement l’analyse des données. Au final, ce sont des économies d’échelle sur les taux de remplissage, sur l’efficience des opérations, sur la consommation des ressources pour une production équivalente d’un site industriel, etc.

On parle également de mix, énergétique ou matériau, pour une transition progressive des carburants ou bien pour de la conception de moins en moins dépendante du plastique et du carton. La fabrication de contenants réutilisables, améliorée par une puissance analytique accélérée pour ce qui est de leur rotation dans les circuits de distribution et donc une meilleure réutilisation sur le long-terme, sont également des vecteurs de transition bas-carbone pour la logistique.

Les émissions réduites sur le cycle de vie, qui inclue tant le processus d’extraction des matières premières, que la fabrication et l’assemblage, contribue à l’effort global. Cependant, la conséquence de ces optimisations se résulte souvent par l’augmentation de l’activité car cela ouvre des perspectives aux acteurs qui ont réussi à optimiser leur impact environnemental à l’échelle du processus de production : plus de production donne lieu à plus de transport ensuite vers les consommateurs finaux.

Si les économies d’impact carbone sont réelles en pourcentage sur les opérations rapportées par différents acteurs économiques et notamment les plus grands opérateurs logistiques, dans l’absolu ce sont potentiellement des quantités émises plus importantes. C’est ce qui semble expliquer pourquoi les chiffres du secteur transport ont été les seuls à croitre de +4% en termes d’émissions carbone l’an dernier, alors que tous les autres ont rapporté une baisse à l’échelle nationale. Dans le même temps, le e-Commerce continue sa progression à deux chiffres tous les ans et les comportements de consommation ne se sont pas ralentis.

Du côté des ressources, qui accompagnent la nécessaire transition digitale et globale de l’ensemble de l’économie française (et mondiale), il est tout aussi intéressant de s’intéresser à l’utilisation des matériaux. En effet, nous avons déjà entendu parler des tensions géopolitiques concernant les semi-conducteurs. Derrière ces petits dispositifs indispensable à l’ensemble des nouvelles technologies, il y a l’exploitation de matériaux rares.

Or, malgré les améliorations constantes dans l’utilisation de ces matériaux pour concevoir les semi-conducteurs, qui contribueront ensuite à des systèmes et équipements connectés, il s’agit bien de métaux rares. Et ils font face à une augmentation exponentielle de la consommation mondiale. D’après le rapport de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie), l’exploitation de ces matériaux devra elle aussi diminuer d’ici à 2050 si l’on souhaite respecter les objectifs climatiques internationaux.

Comme toute notre société s’est entichée de ces équipements intelligents, qui accompagnent déjà notre quotidien, les semi-conducteurs sont autant utilisés dans tout l’équipement ménager des individus que dans la transformation digitale des entreprises.

Il y a un besoin urgent d’accélérer la décarbonation des opérations transport/logistique avec des technologies efficientes, et dans le même temps réduire significativement l’utilisation des ressources de manière générale.

Lorsque l’on regarde d’ailleurs comment se sont déroulées les transitions énergétiques à l’échelle mondiale dans l’Histoire, c’est loin d’être simple. On constate que non seulement l’utilisation du charbon n’a pas baissé avec l’arrivée du pétrole, mais que son exploitation a même augmenté en terme de volume global. Si transition énergétique il doit y avoir, il risque d’y avoir un virage important à réaliser pour l’ensemble des acteurs économiques dans les décennies à venir.

 

      3. Perspectives pour la logistique

Avec l’évolution de la règlementation européenne et française, toutes les grandes entreprises sont soumises à la mise en place de critères ESG depuis 2014 et au fil des évolutions des textes. Même si cet enjeu est loin d’être contraignant pour le moment, il impose à toutes les grandes marques et plus grands acteurs économiques de s’inscrire dans une démarche de durabilité des opérations et d’en rendre compte dans leur rapport d’activités.

Les initiatives sont nombreuses et souvent efficaces quant à l’objectif recherché : les opérateurs logistiques sont spécialisés en optimisation des processus et en recherche de solution pour des problèmes identifiés. Autant dire que ce sont des acteurs économiques qui ont la culture du changement et de la mutation dans la peau.

Pour autant, au vu des chiffres globaux, de l’importance de la mutation et de la dépendance multiple d’un certain nombre de ressources et d’énergie pour l’ensemble de notre société, ce qui semble se jouer actuellement c’est une mise en compétition des synergies pour optimiser tous ensemble nos chaînes d’approvisionnement. Cela signifie qu’avec une consommation exponentielle des ressources et sa raréfaction simultanée sur les dénominateurs communs de notre reconversion technologiques… l’atteinte du juste milieu risque d’être particulièrement délicate.

Il faut noter par ailleurs que tandis que nombre de révolutions technologiques font leur apparition pour démontrer de leur plus-value sur les opérations logistiques (ex.: platooning, autoroute électrique, Internet des Objets, intelligence artificielle, etc.), elles sont à chaque fois très consommatrices en ressources rares ou en énergie. Et que même si leur compensation en émissions carbone est importante ; elles ne sont pas encore mises à l’échelle industrielle, c’est-à-dire disponibles pour l’ensemble des acteurs économiques.

Notre branche Transports est composée à 92% de TPE et PME. Elles ne disposent donc non seulement ni des capacités d’investissement en recherche et développement, ni en achat de véhicules hybrides ou décarbonés (qui pour l’instant ne sont pas assemblés en quantité suffisante pour satisfaire le marché), ni de temps de formation et d’appropriation des nouvelles technologies (par manque de personnels pour une grande partie d’entre eux).

Un défi qui semble donc cette fois mettre non pas les acteurs logistiques en face d’un nouveau challenge dont ils seraient très capables de contourner les difficultés, mais toute une filière sectorielle au pied d’un mur, dont la collaboration avec l’ensemble des parties prenantes sera nécessaire. Le secteur industriel doit tenir compte de l’équilibre entre optimisation de production et de distribution. Les distributeurs doivent revoir la fréquence et la gamme des produits qu’ils souhaitent mettre à disposition du marché. Les gouvernements doivent arbitrer et commencer à prioriser l’utilisation des ressources pour donner le temps à tous les secteurs de trouver leur point d’équilibre.

Bref, un défi global et multiculturel, puisque l’Europe seule ne sera certainement pas non plus capable de traiter cette problématique. Avec la globalisation, les nations ont spécialisé leurs productions et exportations à l’échelle internationale, et notre interdépendance avec elles.

 

Définitions

ESG : les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance sont utilisés pour analyser et évaluer la prise en compte du développement durable et des enjeux de long terme dans la stratégie des entreprises.

Platooning :  Convoi ou peloton routier dont le véhicule de tête, conduit par un conducteur, retransmet toutes les informations aux véhicules qui le suivent. Ceux-ci bénéficient d’un appui technologique avec une conduite assistée par intelligence artificielle pour optimiser leur déplacement et consommation de carburant.

Autoroute électrique : approches innovantes destinées à réduire les émissions en CO2 du transport par l’utilisation de divers procédés qui permettraient d’exploiter l’énergie électrique en tractant les véhicules (Ex.: caténaires).

Sources

Informations annexes au site